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S’habiller pour la course hivernale

13 décembre 2024 0

Pas de mauvaise température au Québec

Il faut se faire à l’idée, l’hiver fait partie de nos vies et revient année après année. Mais comment est-ce qu’on peut pratiquer la course à pied, confortablement, même par temps froid ? La version courte : pas besoin de s’endetter pour s’habiller et courir l’hiver. Habituellement, on a la majorité des vêtements nécessaires dans nos tiroirs.

La science de la perte de chaleur

Il existe 4 manières dont le corps humain perd sa chaleur et un habillement adéquat viendra pallier ces facteurs

La radiation est le phénomène selon lequel le corps essaie de s’adapter à la température ambiante en « partageant » sa chaleur avec l’environnement. Meilleure manière d’éviter une perte de chaleur par radiation ? Porter des vêtements (assez simple) et essayer de les garder au sec le plus longtemps possible (moins simple). 

Lorsque nos vêtements sont mouillés, on passe généralement à un autre phénomène, la conduction. Celle-ci se produit lorsque le corps est en contact direct avec un objet froid et est accélérée lorsque cet objet est mouillé. C’est notamment la raison pour laquelle on dort sur un matelas isolant en camping : on veut garder notre chaleur et non pas la donner au sol. C’est aussi une bonne raison de porter des chaussures.

La convection est le fait de perdre de la chaleur lorsque l’air ambiant entre en contact avec la peau. On essaie de se protéger contre ce phénomène en portant une coquille qui permet de bloquer le vent.

Finalement, tout le monde connaît l’évaporation. Toute personne qui a couru plus d’un kilomètre a déjà évacué de la chaleur par le biais de sa sueur. Et pour citer l’expert en survie Les Stroud ; en hiver, “if you sweat, you die”. On s’entend qu’on ne va pas mourir après une heure de course par -15°C au parc Maisonneuve, mais on ne sera peut-être pas confortable. 

Maintenant que ces facteurs sont connus, comment peut-on les contrer ?

Rappelons tout d’abord que ce billet est un guide, mais que chaque personne aura une tolérance différente au froid. Par exemple, personnellement, j’utilise un barème de +10 degrés : j’ajoute environ 10 degrés à la température ressentie pour déterminer ce que je porterai. Ça fonctionne bien pour moi, mais on m’a souvent reconnu une tolérance plus élevée que la moyenne au froid, tolérance qui tend à diminuer avec l’âge.

À la fin du billet, vous aurez les conseils de trois coachs.

Utiliser sa tête (et la couvrir…si nécessaire)

« Mets ta tuque, fait froid dehors ! » – N’importe quelle maman.

Combien de fois avez-vous entendu qu’on perd 40 à 50% de notre chaleur par la tête? Sans rien enlever à la bonne volonté de nos mères, ce serait toutefois un mythe. 

Par contre, il est vrai que la tête demeure exposée aux éléments et qu’il faut la protéger. Pas besoin de sortir ton cass de poil ou ta tuque de l’igloofest : une tuque légère en polyester, un bandeau, ou même une casquette peuvent faire l’affaire. Idéalement, on protège les oreilles.

Un foulard ou un cache-cou permet de se protéger le nez et de préchauffer l’air qu’on respire en course, surtout utile lorsque la température tombe sous les -10°C, et pour les personnes aux voies respiratoires sensibles.

Avec la lumière du soleil qui reflète sur la neige, il est fortement recommandé de porter des lunettes fumées avec protection UV lorsque le ciel est dégagé pour éviter les éblouissements et dans des conditions extrêmes, la photokératite ou cécité des neiges. Et tant qu’à y être, ce n’est pas parce que c’est l’hiver qu’on ne peut pas attraper de coup de soleil : un écran solaire sur la peau exposée ne sera pas de trop.

Le système multicouche

Un standard dans le monde du plein air est le système multicouche qui comprend une couche de base pour évacuer l’humidité près du corps, une couche intermédiaire qui isole et une coquille qui protège du vent ou des intempéries. Un peu moins utilisé en course à pied en raison de la multitude de vêtements spécifiques qui existe, on peut tout de même se fier au multicouche pour commencer à regarder comment s’habiller pour une sortie l’hiver.

Couche de base

C’est la première couche qui touche la peau. Elle permet d’évacuer la sueur rapidement et de conserver la chaleur près du corps. Mieux vaut porter des sous-vêtements techniques en polyester, en laine mérinos ou autres matériaux tout en évitant le coton. Par température très froide, un sous-vêtement long (combine) fera aussi l’affaire. 

Pour le haut, on peut mettre un haut de « combine », ou encore, l’un des nombreux chandails techniques à manches courtes ou longues amassés lors des courses au fil des années. 

Couche intermédiaire

Pour les températures très froides, la couche intermédiaire servira d’isolant. Pour certaines personnes, surtout celles qui suent beaucoup, cette couche ne sera pas nécessaire. Pour les autres, il s’agit généralement d’un haut en laine polaire (polar = polyester), idéalement assez mince. On souhaite que ça reste respirant, c'est-à-dire que la sueur peut tout de même s’échapper.

Coquille

La coquille est la couche extérieure, celle qui sera directement en contact avec les éléments. C’est aussi la partie qu’on tente de rendre le plus complexe pour rien. Gore Tex, finition DWR, hard shell, soft shell, g/m2/24 h… le jargon peut sembler complexe, mais nous allons garder ça le plus simple possible. Un imperméable respirant peut très bien servir de coquille, tout comme un coupe-vent ou un manteau léger. 

Les questions à se poser sont au niveau du confort, de la protection aux intempéries, de la protection du vent et de l’évacuation de l’humidité, surtout pour les longues courses. Un imperméable bien ventilé avec des glissières sur les côtés fera très bien l’affaire pour une journée où il neige. Tout comme un coupe-vent en nylon protègera du vent tout en permettant une évacuation efficace de l’humidité. 

Une coquille souple (le fameux softshell) peut aussi être envisagée. L’idée est d’avoir un tissu à la fois isolant, respirant et qui protège légèrement des intempéries. Plusieurs pantalons de course suivent ce concept (voir la section sur les vêtements spécifiques). 

Parlant de pantalons, certaines personnes optent pour un pantalon imperméable ou en nylon comme coquille externe pour le bas. C’est une solution qui fonctionne bien, mais qui peut parfois être bruyante.

Vêtements spécifiques

Le marché des vêtements de course d’hiver s’est beaucoup développé et demeure similaire à celui pour les vêtements de ski de fond. Les collants légers, moyens ou épais de course sont très utiles et sont généralement des coquilles souples qui permettent une légère protection imperméable, mais respirante. Les pantalons de course ou de ski de fond qui sont imperméables ou à coquille souple sont également de bonnes options.

On trouve le même concept dans les vestes de ski de fond ou de course qui combinent la couche intermédiaire et la coquille.

Pieds et mains

Il ne faut pas oublier les extrémités. Du côté des chaussettes, on ne se retrouve pas en terrain inconnu de ce qui a été écrit dans ce billet. On cherche des chaussettes qui sont en polyester, en laine ou d’autres matériaux, tant que ce n’est pas du coton. Comme les pieds seront en contact avec le sol et la neige, il est fort probable que l’on ait les pieds mouillés après quelques kilomètres. Mieux vaut avoir un tissu qui garde ses propriétés isolantes malgré l’eau. 

On peut aussi essayer le système de sous-chaussette. Non seulement ça aide à prévenir les ampoules, mais ça permet aussi d’évacuer un maximum d’humidité des pieds. On retrouve les sous-chaussettes en polypropylène ou en laine mérinos dans les boutiques de course ou dans les boutiques de vêtements de travail.

Un autre système qui peut être envisagé est celui des chaussettes imperméables. Ça prend une sous-chaussette, mais ça permet aux pieds de demeurer relativement au sec et au chaud, même si on sue beaucoup.

Pour les mains, ça varie selon la température, votre tolérance au froid et votre circulation sanguine. Les petits gants magiques peuvent très bien faire par températures jusqu’à -5oC, puis on cherchera un gant ou une mitaine qui est plus isolante et imperméable. Le couvre-mitaine est aussi une option pour le temps très froid ou très mouillé et il existe désormais de nombreuses options abordables. Les gants ou les mitaines de ski alpin peuvent être confortables par temps très froid.

Souliers et crampons

Un point qui varie énormément. Encore une fois, le marché s’est adapté à la course d’hiver et on trouvera en boutique des souliers imperméables, des souliers isolés et même des souliers avec crampons de métal intégrés. Il n’existe pas de solution parfaite pour tout le monde, et il faudra donc essayer. 

Une solution abordable et raisonnable pour la course sur route l’hiver en ville est d’utiliser une paire de chaussures qui est déjà usée, puisque la glace, la neige, la boue et le déglaçant vont l'abîmer. 

L’avantage d’un soulier imperméable sera justement d’avoir les pieds moins mouillés par les éléments extérieurs. Toutefois il y a le risque de suer beaucoup, comme les membranes ne sont pas parfaites ni au niveau de l’imperméabilité ou de la respirabilité. 

Le soulier à crampons intégrés est idéal pour les sorties sur les trottoirs glissants, mais peut être plus encombrant lorsque la chaussée est sèche et dégagée, ce qui représente une bonne majorité de l’hiver. 

Plutôt que de payer pour un modèle à crampons, vous pouvez aussi vous munir de crampons amovibles légers pour les trottoirs ou lourds pour les sentiers. Ça vous permettra d’avoir plus de polyvalence. Si vous souhaitez absolument avoir des crampons intégrés, vous pouvez également acheter un kit de crampons à visser vous-même sur n’importe quelle paire de souliers.

Visibilité

Il fait noir beaucoup plus tôt l’hiver, alors n’oubliez pas d’être visible et d’anticiper les mouvements des automobilistes, cyclistes et personnes à pied encore plus. Des vêtements qui ont des bandes réfléchissantes, des brassards ou de l’éclairage aideront grandement à faire en sorte que vous soyez plus visible.

Des fits de coachs

JF

Jusqu’à -20°C ma couche de base ressemble à un boxer de sport et t-shirt à manches courtes ou longues en polyester. Je mettrai ensuite un collant léger ou un collant épais, tous de type coquille souple, et c’est ce que je porterai une grande partie de l’hiver. Parfois je porterai un short par-dessus le collant pour protéger un peu plus du vent. S’il fait plus de -5oC, qu’il ne neige pas et qu’il ne vente pas trop, il est fort probable que je sois en shorts.

Pour la majorité de l’hiver, je porte mon vieux coupe-vent en nylon récupéré dans les objets perdus, sous lequel j’ai ma couche de base et parfois une couche intermédiaire. S’il pleut ou qu’il neige et que je fais une longue sortie en trail, j’aurai un imperméable respirant et parfois mes pantalons imperméables de vélo.

En dessous de -20°C je garde le même collant, mais la couche de base va changer pour un boxer de sport puis un haut de « combine » à manches longues. S’il vente beaucoup, je porterai une veste avec fermeture éclair en polar mince. Dans de très rares occasions où il fait extrêmement froid et qu’il vente, je porterai un manteau à coquille souple.

Pour moi, le plus important peu importe la température est que mon manteau ait un capuchon : ça peut ajouter de la chaleur, protéger des intempéries, et c’est généralement ce qui est demandé dans les ultras, alors je n’ai pas besoin d’acheter un autre manteau. Sinon casquette ou tuque selon la température et un foulard de type buff.

J’ai toujours des chaussettes en mérinos, et si on est entre -5°C et 5°C et que je sais que le sol sera trempé, je porterai des sous-chaussettes minces en polypropylène. Je porte habituellement mes gants en softshell de vélo tout l’hiver, mais s’il fait très froid, je mettrai des gants de ski isolés.

Au niveau des souliers, j’utilise généralement les mêmes qu’en été, plus particulièrement mes souliers de trail, mes bons vieux Saucony Peregrine avec pas de Goretex. Ceux-ci ont de bons crampons et j’ai généralement suffisamment d’adhérence, peu importe les conditions. Si je vais courir à la montagne et que je sais que ce sera glacé, j’aurai mes crampons de randonnée dans mon sac, prêt à être enfilés!

Sandrine

Ça dépend des températures. Je regarde toujours la météo avant de sortir : température ressentie, s'il y a du vent et s'il y a de la pluie. 

Ensuite, je m'habille généralement comme s'il faisait 10°C de plus que ce qu'il fait réellement. Puis, je joue avec les couches comme si c'était des pelures d'oignon. S'il fait autour de 0°C, je mets seulement une couche mérinos en haut, avec une couche intermédiaire et une coquille molle (softshell). Leggings normaux en bas. 

S'il fait en bas de zéro, je mettrais une couche mérinos en bas également, pour un total de 3 couches en haut et 2 en bas. S'il pleut beaucoup, je remplace la coquille molle par un vrai imper (coquille "dure"). 

Je mets toujours des gants, un buff autour du cou et un bandeau autour des oreilles. Je trouve ça plus pratique qu'une tuque pour les personnes qui veulent se faire des couettes et ça passe généralement, même à des températures plus froides.

Souliers: les mêmes que l'été! S'il y a beaucoup de neige au sol, je mettrais mes souliers de trail. Pour les 2 journées dans l'année où il y a beaucoup de glace, j'ai des crampons cheaps achetés en ligne.

Et ma règle personnelle : si on dit que les conditions sont dangereuses pour conduire, je ne sors pas courir là où il peut y avoir des voitures. C'est dangereux pour moi aussi !

Je mets le même manteau pour le ski que pour la course, c'est la même chose, mais parfois, les manteaux de course ont plus de bandes réfléchissantes.

Finalement, si je sais que je vais faire des pauses comme pour manger ou si je reviens à pied ou en métro ou à vélo, je m'apporte des gants secs de rechange et un manteau de duvet qui sera léger et qui réchauffe bien et je les mets au repos.

William

Pour les souliers je suis Goretex all the way quand il y a de la neige. Actuellement j’ai des Norda, auparavant des Saucony Peregrine.

Pour les chaussettes, je veux de la qualité en laine mérinos. Pour moi, c’est la clé. Icebreaker la plupart du temps.

Au niveau des pantalons, je porte des leggings réguliers de sport avec des bandes réfléchissantes et une paire de shorts par-dessus, même si Éric Noël n’aime pas ça et dit que c’est interdit.

Au haut du corps je porte un t-shirt de sport régulier, sous-couche à manche longue en mérinos aussi, et un coupe-vent spécialement fait pour les courses d’ultra (ultra-jacket de ON). Je porte aussi un dossard réfléchissant et une lumière au bras lorsque je cours le soir!

À la tête, c’est le buff des Pélicans, et je suis dans la team tuque et non bandeau. Je viens d’acheter une tuque orange et réfléchissante pour encore plus de visibilité!

En terminant avec les mains, une paire régulière de gants de sport et s’il fait en bas de -15°C, j’en mets deux paires 😂

Jean-François Veilleux
Jean-François Veilleux